Résumé de Georges Chapouthier, neurobiologiste et directeur de recherche émérite au CNRS, In Cerveau et Psycho, n° 86, Mars 2017

RESUME

Presque tous les animaux fuient quand ils sont touchés par un stimulus douloureux, mais éprouvent-ils pour autant une souffrance consciente ? L’étude des comportements et de l’anatomie cérébrale suggère que c’est le cas de tous les vertébrés, des céphalopodes, et peut être même de certains crustacés. Ces espèces sont encore insuffisamment protégées par la loi.

Les recherches récentes suggèrent que bien plus d’espèces qu’on ne le pensait sont capables d’éprouver consciemment de la souffrance. Elles plaident donc pour une extension des lois qui protègent les animaux.

Début 2015 les législateurs inscrivaient dans le Code civil Français que les animaux sont des êtres sensibles. Quels sont les animaux réellement capables d’éprouver de la souffrance ?

L’écrasante majorité des animaux possèdent des mécanismes nerveux d’alerte qui les rendent sensibles aux éléments de leur environnement. Chez un certain nombre d’espèces comme les vers il s’agit sans doute juste de réflexes automatiques et inconscients.

A partir d’un certain degré de complexité comportementale et cérébrale il est légitime d’envisager une forme de conscience, et donc un vécu intérieur de la douleur.

Actuellement on distingue deux groupes d’animaux possédant cette capacité : les vertébrés (animal qui possède des vertèbres osseuses ou cartilagineuses : poisson, grenouille, oiseaux, singe, homme, lézard….) et les mollusques céphalopodes (pieuvre ou seiche), pour d’autres comme les crustacés par exemple, la question reste débattue.

Chez les vertébrés un comportement caractéristique et des manifestations physiologiques répondent à un stimulus douloureux, est ce que cela correspond à un vécu conscient ? il faut admettre que la complexité des comportements des vertébrés plaide pour une certaine forme de conscience. Par exemple, certains oiseaux cachent de la nourriture pour l’hiver en présence d’un congénère, dès que celui-ci est parti, ils changent de cachette !

Chez les céphalopodes (pieuvre par exemple) on constante des manifestations étonnantes d’émotions et d’intelligence supérieure, par exemple certaines pieuvres utilisent des demi noix de coco comme bouclier. Il est donc possible de parler de conscience chez elles et d’imaginer qu’un stimulus douloureux leur cause une souffrance consciente.

En France vertébrés et céphalopodes sont les deux seuls groupes protégés par la loi dans le cadre de l’expérimentation animale, MAIS dans d’autres domaines, la protection reste insuffisante : rien n’empêche de jeter une truite vivante dans l’eau bouillante…dans le cadre de la chasse et de la pêche les animaux sont trop peu protégés contre la douleur.

Qu’en est-il des autres groupes animaux, les crustacés par exemple ? (homard, crabes..) leur comportement face à des chocs électriques sont trop complexes pour être de simples reflexes inconscients. Nos connaissances doivent encore évoluer dans ce domaine.

Longtemps on a cru que la souffrance était liée à la seule aptitude au langage, on opérait sans anesthésie les bébés humains incapables de parler..  dans les années 80 la situation a heureusement changé. Les animaux eux aussi bénéficient de cette évolution, mais nous ne sommes pas au bout du chemin et bien des progrès restes à faire.